Ainsi parlait Marcel Proust de Pol Neveux, écrivain né en 1865 à Reims (Marne), ville à laquelle il demeure étroitement attaché tout au long de son existence. Pol Neveux est le fils d’un notaire et de la poétesse Marie Pochet, Marie Valyère de son nom de plume. Il épouse en 1904 Céline Mathilde Antoinette Pellet, fille du journaliste et diplomate Marcellin Pellet. Après des études de droit, il débute une courte carrière d’avocat avant de se réorienter vers les bibliothèques. Pol Neveux devient ainsi sous-bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine, à Paris, en 1893, avant d’occuper les mêmes fonctions à l’Ecole nationale des Beaux-Arts l’année suivante. Il intègre ensuite l’administration en tant que chef-adjoint du cabinet du ministre de l’Instruction publique en 1894, puis il est nommé inspecteur général des bibliothèques en 1902.
Pol Neveux s’investit pleinement dans ses nouvelles fonctions et sillonne les bibliothèques de France afin d’en découvrir toutes les richesses patrimoniales. Lors de la Première Guerre mondiale, son action s’avère déterminante : il est en effet chargé de veiller sur les documents les plus précieux de la Bibliothèque nationale de France ainsi que sur des œuvres du musée du Louvre, du château de Compiègne et du château de Fontainebleau. A la fin du conflit, Pol Neveux suit avec attention la reconstruction de deux bibliothèques dans le style Art déco : la bibliothèque de Reims, inaugurée en 1928, et celle de Toulouse, achevée en 1935. Il dirige enfin la publication des Richesses des bibliothèques provinciales de France, ouvrage de référence édité en 1932.
En parallèle, Pol Neveux entreprend une carrière littéraire et publie en 1898 son premier ouvrage intitulé Golo, roman de campagne, qui rencontre un grand succès. Son second roman, La douce jeunesse de Thierry Seneuse, paraît en 1917 et est considéré comme son écrit le plus personnel. L’écrivain y met en scène un jeune garçon ayant grandi à Reims dans les années 1870-1880, profondément attaché à la culture et à l’histoire de sa ville natale. Malgré la réception enthousiaste de ses écrits, Pol Neveux rédige peu de romans, se consacrant à ses missions au service des bibliothèques et à une activité prolifique de critique littéraire. Pol Neveux publie ainsi de nombreux articles sur la littérature de son temps et sur les grands auteurs du 19e siècle comme Flaubert et Maupassant, écrivain auquel il consacre une étude parue en 1908. Grâce à ses articles, Pol Neveux fait la connaissance de nombreux artistes et reçoit l’estime de ses pairs : il devient ainsi commandeur de la Légion d’honneur en 1922 et il est élu à l’Académie Goncourt en 1924.
Pol Neveux décède le 26 mars 1939. De nombreux hommages lui sont rendus dans des articles de journaux comme les Nouvelles littéraires ou le Journal des Débats. Une biographie composée par Emile Dacier, inspecteur général des bibliothèques et ami intime de Pol Neveux, est publiée en 1940. Tous ces hommages manifestent la reconnaissance du milieu littéraire et artistique français envers ce personnage incontournable du monde des lettres et des bibliothèques françaises au début du 20e siècle.
–Golo, roman de campagne (1898)
–La douce enfance de Thierry Seneuse (1916)
Cette collection est donnée à la bibliothèque de Reims par Pol et Antoinette Neveux entre 1929 et 1939. Elle se compose de trois parties correspondant aux différentes branches de leur famille : une première partie héritée d’Auguste Scheurer-Kestner, le grand-père d’Antoinette Neveux ; une seconde héritée de Marcellin Pellet, le père d’Antoinette et une troisième provenant des époux Neveux eux-mêmes. La collection provenant d’Auguste Scheurer-Kestner, industriel et homme politique originaire de Mulhouse (Haut-Rhin), est composée de deux boîtes contenant des lettres, articles de journaux et documents d’archives relatifs à ce personnage. Bon nombre de documents sont relatifs à l’affaire Dreyfus, Scheurer-Kestner s’étant engagé en tant que sénateur dans la défense d’Alfred Dreyfus. On trouve ainsi une carte de visite de Dreyfus annotée de sa main, ainsi qu’une lettre qu’il a adressée à l’épouse, Céline, ou à la fille, Jeanne, de Scheurer-Kestner. Ces deux boîtes s’accompagnent d’une troisième intitulée « affaire Dreyfus », héritée de Marcellin Pellet, qui contient de précieuses pièces sur cet épisode de l’histoire française. La boîte rassemble des lettres adressées par Alfred Dreyfus et son frère, Mathieu, aux époux Marcellin Pellet ainsi qu’à Pol et Antoinette Neveux. On y trouve également la correspondance de Georges Clémenceau, grand défenseur de Dreyfus, à Marcellin Pellet.
La troisième partie de la collection est composée des documents relatifs à la famille Neveux. Elle est constituée de 65 boîtes d’archives qui contiennent des documents très divers : de la correspondance, des imprimés (journaux et ouvrages), des manuscrits et de l’iconographie relatifs à Pol Neveux et sa femme.
La correspondance de la famille Neveux représente une précieuse source d’informations sur leur vie personnelle et professionnelle. Un ensemble de 205 lettres ont par exemple été reçues par la mère de Pol Neveux, Marie Valyère, d’Edma Roger des Genettes. Cette femme de lettres était réputée pour son salon fréquenté au milieu du 19e siècle par de grands auteurs comme Alfred Musset, Victor Hugo, Alexandre Dumas ou Gustave Flaubert, dont elle était l’amie intime. Ces missives reflètent l’appartenance de Marie Valyère au milieu littéraire de son temps.
Les lettres reçues par Pol Neveux témoignent de sa place prédominante au sein de la sphère intellectuelle et littéraire. On trouve parmi les expéditeurs des écrivains comme Colette ou Pierre Loti, des artistes tels que le peintre Claude Monet, le compositeur Gabriel Faure ou le sculpteur Auguste Rodin. Les compatriotes rémois de Pol Neveux y occupent une place de choix : des lettres de Jean-Louis Forain et René de Saint-Marceaux apparaissent dans la correspondance tout comme des missives des poètes Paul Fort et Cécile Périn. Les lettres de Léon Blum ou Georges Clémenceau attestent de l’engagement politique de Pol Neveux.
La collection comprend divers manuscrits de Pol Neveux dont des notes de travail, des essais et des discours. Elle contient également des œuvres imprimées, qu’il s’agisse des épreuves corrigées du roman Golo ou de textes associés à Reims. On y retrouve le texte Reims en ruine, publié en 1928, ainsi qu’un second écrit intitulé Ma douce Champagne !. De nombreux articles écrits par Pol Neveux permettent de découvrir son activité prolifique de critique littéraire.
-Rue Pol Neveux, Reims (rue rebaptisée en 1941). Cette rue se trouve juste derrière la bibliothèque Carnegie.