Comme Guillaume Apollinaire ou Alain-Fournier, Paul Drouot meurt au combat, fauché en pleine jeunesse pendant la Grande Guerre. Il est l’auteur de quelques recueils de poèmes, salué par un petit cercle littéraire, mais son œuvre majeure, Eurydice deux fois perdue, est restée inachevée. Il a reçu en 1915 le prix Archon-Despérouses pour son œuvre.
Neveu d’Emile Gebhart, historien d’art et critique littéraire, arrière-petit-neveu du général Drouot « le sage de la Grande Armée », qui accompagna Napoléon sur l’île d’Elbe, Paul Drouot naît le 21 mai 1886 à Vouziers, dans le sud-est des Ardennes.
Son père décède peu de temps avant sa naissance et sa famille est bientôt ruinée après un long procès, son grand-père du côté maternel, Achille Cotelle, directeur de banque à Vouziers, ayant été trompé par un chargé d’affaires mal intentionné.
Sa mère, musicienne, quitte les Ardennes avec Paul et son frère aîné pour gagner Paris où elle donne des leçons de piano et de chant. Paul Drouot a beaucoup d’admiration pour elle ainsi que son grand-père qui lui transmet l’amour des livres et de la lecture. Il partage avec plusieurs camarades, dont Guy Chassériau, cette sensibilité littéraire.
« Nostalgique et passionné », travailleur et courageux, féru de poésie, Paul Drouot écrit ses premiers vers en 1904. Son recueil La chanson d’Eliacin parait en 1906. En 1908, il publie un second recueil de poèmes en huit vers, La Grappe de raisin, inspiré d’un voyage en Espagne, puis Le Vocable du chêne en 1910. Le poète se lie avec des auteurs qu’il admire, Maurice Barrès, Henri de Régnier, Élémir Bourges.
Appelé sous les drapeaux en 1908, il est bibliothécaire du cercle des officiers à Orléans.
Après son service militaire, de retour à Passy auprès de sa mère, le poète se lance dans le journalisme et entame une œuvre en prose qui deviendra Eurydice deux fois perdue.
Paul Drouot est mobilisé dès le début de la guerre et enrôlé dans le 3e bataillon des chasseurs à pied. Sa santé fragile aurait pu le reléguer à un poste à l’arrière mais il refuse.
Le 9 juin 1915 près de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais) un obus s’abat sur l’abri où se trouve le poète. Il est enterré au cimetière militaire d’Aix-Noulette (Pas-de-Calais).
Paule Régnier, femme de lettres, qui sera lauréate du Grand Prix du roman de l’Académie française en 1934, rencontre Paul Drouot vers 1909. Se noue alors une amitié autour de leur activité littéraire et leurs origines ardennaises. Après la mort de Paul Drouot, on confie à Paule Régnier les textes et les notes de son ami, qui lui permettent de publier son roman inachevé.
Ce « livre ensanglanté », Eurydice deux fois perdue, naît dans les tourments de l’amour contrarié. En effet, Paul Drouot est épris d’une sœur de Paule Régnier qui est déjà mariée. Dans le même temps, Paule Régnier, jolie mais souffrant d’une malformation physique, est elle-même éperdument et secrètement amoureuse de Paul Drouot. Elle ne comprend qu’en lisant les textes du poète après sa mort et les lettres écrites par sa sœur que l’Eurydice de Paul était en fait sa propre sœur. Cet amour malheureux est dévoilé à la publication du Journal de Paule Régnier, publié en 1953, trois ans après son suicide.
–La chanson d’Éliacin (1906)
–La grappe de raisin (1908)
–Sous le vocable du chêne (1910)
–Les derniers vers (1920)
–Eurydice deux fois perdue (1921) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
–Le hasard des chemins (2015)
Les archives de la romancière Paule Régnier ont été données à la bibliothèque de Charleville par sa sœur Yvonne Clouzot à partir de 1955.
Les archives contiennent les manuscrits des œuvres de Paule Régnier, romans et articles, ainsi que les cahiers de son journal en partie publiés. A ces archives s’ajoute un dossier relatif au poète Paul Drouot. Paule Régnier a publié en 1923 un essai biographique et critique sur Paul Drouot et ses notes préparatoires ont été conservées.
Les documents de la main de Paul Drouot, donnés à Paule Régnier après la mort de son ami, constitue un fonds distinct. Il comprend des lettres écrites par Paul Drouot, 70 lettres adressées à Paule Régnier et quelques-unes adressées à sa mère, ainsi que des textes inédits. Paule Régnier a ainsi permis la publication d’Eurydice deux fois perdue à partir des textes conservés dans ces archives. Henri de Régnier indique dans la préface du roman qu’il ne s’agit que de notes éparses et que Paule Régnier a dû rassembler, ordonner les textes et reconstituer le fil du récit, certains passages étant plus ou moins développés. L’ensemble des notes préparatoires montre des remaniements successifs.
Cette ébauche de roman a été publié en 1921, puis en 1923 et 1930 avec l’ajout de fragments inédits. Ce roman inabouti, prose poétique ou poème en prose, a été salué par sa force, sa puissance tragique et ses qualités littéraires et témoigne du talent de ce poète fauché en pleine jeunesse. Il a fait l’objet d’une nouvelle édition établie avec Annie Gilles et Gérard Martin en 1986.
En 1986, à l’occasion du centenaire de la naissance de Paul Drouot, une exposition a été présentée à la bibliothèque municipale de Charleville et à Vouziers. Un monument à Paul Drouot a été érigé place Carnot à Vouziers en 1939, face à celui d’Hippolyte Taine. Un collège vouzinois porte également le nom de Paul Drouot. L’acquisition en 2000 de quelques textes inédits de la main de Paul Drouot complète le fonds.
La ville de Vouziers a rendu hommage au poète en lui érigeant une statue et en donnant son nom à un collège.