La Lorraine, terre de liens et de passages, a accueilli, au cours de son histoire, des artistes, des musiciens, des écrivains. Jean Vodaine est l’un de ceux-là. Né en 1921 à Volče en Vénétie Julienne (aujourd’hui en Slovénie), il arrive à l’âge de trois ans en Moselle avec ses parents, qui émigrent pour échapper au fascisme.
Cordonnier de formation, il exerce différents métiers avant de se consacrer pleinement à l’édition, à la typographie et à la poésie. Vladimir Frédéric Kaucic choisit alors de s’appeler Jean Vodaine, comme un rappel des mots slovènes Bod eden ! (« Sois un ! »). Vodaine entre en poésie d’abord comme auteur, inspiré aussi bien par le milieu d’artisans et d’ouvriers qu’il côtoie que par la terre lorraine où il vit. Ses poèmes, éloignés de tout intellectualisme, se font l’écho des expériences variées de la condition humaine. Certains sont primés : prix Germaine Briant pour La mort de l’ouvrier ; second prix Verlaine pour Le bâton du vagabond.
Il se tourne ensuite assez vite vers l’activité d’imprimeur, à laquelle s’ajoutent celles d’éditeur et de typographe. Cette facette de son travail se manifeste en particulier à travers les revues qu’il anime et publie à partir de 1949 : Poésie avec nous, Le Courrier de poésie, La Tour aux Puces et, enfin, DIRE. Avec cette dernière, Vodaine exprime tout son génie : expérimentations typographiques audacieuses, création du format poèmes-affiches, collaboration avec de nombreux écrivains et artistes (Paul-Alexis Robic, Gaston Chaissac, Pierre Béarn, Edmond Dune, entre autres). DIRE paraît de 1962 à 1984, occupant une place de choix parmi les périodiques littéraires en Lorraine et au-delà. Il reçoit en 1987 le Prix Stomps de la Ville de Mayence et du Musée Gutenberg.
Ses publications des auteurs de l’art brut (Queneau, Dubuffet) ainsi que son ouverture aux cultures de tous les continents constituent des aspects remarquables de son engagement littéraire.
Aussi l’œuvre du poète semble-t-elle se tenir en retrait de son activité d’éditeur. Elle dévoile pourtant une sensibilité vive, aussi bien dans ses premiers recueils que dans les œuvres de la maturité.
Familier de plusieurs langues, Jean Vodaine n’a eu de cesse de se confronter aux mots, de vivre avec eux et de les questionner. Il lui est même arrivé de se faire traducteur, comme le montre le recueil Poésie slovène publié aux Éditions Escales en 1950.
Artiste aux multiples talents, Vodaine reste fidèle à sa terre d’adoption, résidant successivement à Yutz (Moselle), à Metz, et enfin à Baslieux (Meurthe-et-Moselle) dès 1976. Et malgré un goût pour la peinture qui se renforce au fil du temps, c’est toujours dans les mots qu’il choisit d’habiter. Il continue d’écrire et d’éditer des poètes jusqu’au début des années 2000.
Tout au long de son travail de création, Vodaine collabore régulièrement avec la Médiathèque de Metz : expositions, rencontres, dons réguliers de ses publications à la Ville de Metz. Il fait ainsi vivre la poésie pour la plus grande joie des lecteurs avisés comme des publics les plus divers.
Lorsqu’il meurt en août 2006, il laisse une œuvre protéiforme, à lire, relire et admirer.
– Rose et noir : poèmes (1947)
– Le Toron noir : poèmes (1947)
– À travers la lucarne : poèmes (1949)
– Le Jour se fera (1951)
– La fable des animaux restés seuls sur terre (1972)
– Petits agglos de mots périmés (1972)
– Les Maixines (1985)
– Contes de mon haut fourneau (1996)
Le fonds est en cours de traitement. Il constitué essentiellement d’imprimés (près de 300 références), se partageant entre les monographies pour environ 2/3, et publications périodiques pour le 1/3 restant. Le reste du fonds comprend cinq manuscrits autographes complets, deux cahiers manuscrits, une cinquantaine de lettres et autres documents autographes, et enfin, des plaques de linogravures, des maquettes et épreuves d’ouvrages.
Les documents sont issus de dons faits par Jean Vodaine à la Bibliothèque de Metz, d’autres dons de diverses personnes, et d’acquisitions effectuées directement auprès de l’auteur (par souscription ou achat ordinaire).
Focus sur un document :
Les Maixines (1985). Cote : RES IN-F 039.
Dans cet ouvrage, Jean Vodaine propose au lecteur une déambulation poétique et onirique à travers les rues de Metz. Il évoque les lieux, les personnages et les monuments de façon tantôt caustique, tantôt tendre, et n’épargne pas certains travers du microcosme culturel messin. En usant du vers libre, le poète converse avec nous sur le ton de la confidence, et nous invite à cheminer à ses côtés.