Emmanuel Peillet naît le 21 janvier 1914 à Reims (Marne). En 1932, il entre en école préparatoire littéraire au lycée Henri-IV à Paris. A cette période, il découvre l’œuvre d’Alfred Jarry, notamment les Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, œuvre publiée en 1911.
Il débute sa vie professionnelle en donnant des cours de lettres et de philosophie. Il écrit des articles au sein de diverses revues. Puis, il devient professeur de philosophie au lycée Chanzy de Charleville. En 1939, il publie Philosophie du départ, poèmes illustrés par ses propres photographies.
A partir de 1940, il enseigne la philosophie au lycée à Reims. Il poursuit sa carrière au lycée Michelet à Vanves de 1948 à 1957, puis au lycée Louis-le-Grand à Paris jusqu’à sa retraite en 1970. C’est un professeur atypique. Par exemple, en 1943, il publie avec ses élèves une première édition des poèmes de Jacques Prévert. En 1946, il met en scène la première représentation mondiale d’Ubu Cocu d’Alfred Jarry dans la salle de conférence de la Chambre de Commerce, située à l’Hôtel Ponsardin, à Reims. Le personnage principal, Ubu, est interprété par Pierre Minet, membre du Grand Jeu, accompagné des élèves d’Emmanuel Peillet.
En 1948, sur une idée de l’écrivain et critique Maurice Saillet, le Collège de Pataphysique est cofondé par Emmanuel Peillet, Jean-Hugues Sainmont, le Docteur Sandomir, Mélanie Le Plumet et Oktav Votka. C’est une « société de recherches savantes et inutiles » qui administre la pataphysique, définie par l’auteur Alfred Jarry comme « la science des solutions imaginaires » dans son œuvre Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien.
Issus de l’entourage d’Emmanuel Peillet, les premiers membres du Collège sont majoritairement originaires de Reims ou de la région. Les effectifs augmentent progressivement. Des personnalités des milieux littéraires et artistiques, tels Raymond Queneau, Boris Vian, Max Ernst ou Eugène Ionesco rejoignent le Collège. Emmanuel Peillet consacre une part importante de son temps à l’organisation des activités du Collège et à la conception de ses publications, notamment la revue trimestrielle Viridis Candela.
Dès 1937, Emmanuel Peillet pratique la photographie et s’intéresse à des thèmes variés : portraits, monuments et paysages de la région, fleurs, animaux… Il expose plusieurs fois entre 1943 et 1954. En 1951, une exposition est ainsi organisée sur les « Églises et châteaux de la vallée de l’Ardre » à la bibliothèque municipale de Reims. Emmanuel Peillet prend des clichés de sa collection de cactus pour lesquels il développe une véritable passion. Il acquiert une érudition dans ce domaine et réalise en 1968 un recueil manuscrit de portraits de personnalités ayant marqué l’histoire du cactus.
Emmanuel Peillet décède à Paris le 1er septembre 1973.
–Philosophie du départ (1939)
-Sous le pseudonyme de Mélanie le Plumet : L’Ordre (1944)
-Sous le pseudonyme de Lathis : L’Organiste athée (1964)
De 2005 à 2018, Rafaël de Luc, exécuteur testamentaire et ayant-droit d’Emmanuel Peillet, a fait don, par versements successifs, des archives personnelles et professionnelles, des photographies et de la bibliothèque de l’écrivain à la bibliothèque de Reims. Cet ensemble représente 64 boites d’archives et 9000 livres et revues. Cette collection reflète la curiosité d’Emmanuel Peillet pour de nombreux domaines, de la littérature à la photographie en passant par la philosophie, et témoigne de sa vie professionnelle et intellectuelle.
La philosophie est très présente dans les archives d’Emmanuel Peillet. Plusieurs boites contiennent des réflexions et des notes, prises parfois au verso d’un feuillet publicitaire, sur un thème comme la mémoire, le moi, l’apparence ou le temps. Des cahiers manuscrits de ses cours, à l’écriture soignée, témoignent de sa pensée, de la structuration de ses enseignements et de son intérêt pour la calligraphie.
Dans sa bibliothèque, de nombreux ouvrages portent des annotations manuscrites : Emmanuel Peillet complète le texte, apporte ses propres remarques de lecture ou juge la qualité du travail de l’auteur. Il pratique une lecture active des documents et les enrichit. Ainsi, il colle ou insère à l’intérieur des livres des articles de presse les présentant. Certains ouvrages sont dédicacés par leur auteur à l’intention d’Emmanuel Peillet.
Le Collège de Pataphysique est au centre de ces archives : correspondance avec les autres membres du Collège, photographies d’évènements importants du Collège, travaux de préparation des publications et des expositions… Cependant, le nom d’Emmanuel Peillet n’apparaît que très rarement sur ces documents. En effet, le philosophe considère son nom comme « un pseudonyme d’état civil » et utilise à la place bien d’autres noms comme Latis, Sainmont ou encore Mélanie Le Plumet.
Parmi les documents remarquables conservés dans cette collection, un manuscrit est particulièrement intéressant. Au cours de l’été 1930, Emmanuel Peillet, âgé de seize ans, calligraphie et enlumine le texte du Cantique des cantiques dans sa version latine. Réalisée sur un simple carnet à carreaux, cette œuvre a été éditée en 2008 sous le titre Canticum canticorum aux éditions de l’Hexaèdre. Tout l’intérêt d’Emmanuel Peillet pour le travail de l’illustration et de la mise en page transparaît dans cette création.
Les photographies réalisées par Emmanuel Peillet de la fin des années 1930 jusqu’à sa mort tiennent une place importante dans cette collection. Plus de 8000 négatifs, plusieurs centaines de tirages et 15 albums de photographies constituent un ensemble artistique de premier ordre. Passionné par cet art, Emmanuel Peillet consacre une grande partie de sa vie à représenter les paysages et les édifices de la Champagne, à saisir des atmosphères particulières, à immortaliser des scènes inattendues et à mettre en scène des portraits. Un de ses appareils photographiques est intégré dans cette collection : il s’agit d’un appareil de la marque Rolleiflex – Compur datant des années 1930. En 2010, la bibliothèque municipale de Reims a organisé une exposition intitulée « Emmanuel Peillet, photographe » consacrée à l’œuvre photographique de l’artiste.