La fondation du Grand Jeu, mouvement littéraire et artistique des années 1920 et 1930, découle de la rencontre au lycée de garçons de Reims (Marne) de quatre adolescents passionnés de littérature et de poésie : Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943), René Daumal (1908-1944), Roger Vailland (1907-1965) et Robert Meyrat (1907-1997). Influencés par Arthur Rimbaud, Alfred Jarry et le dadaïsme, ils fondent en 1922 le groupe des « Phrères Simplistes » et adoptent alors des pseudonymes insolites : Meyrat est surnommé « Le Stryge », Vailland « François », Daumal « Nathaniel » et Gilbert-Lecomte « Rog-Jarl » ou « Coco de Colchyde ».
Les Phrères Simplistes publient leurs premiers écrits et dessins dans des revues artistiques rémoises comme Le Pampre. Leur œuvre se définit selon une recherche de l’absolu et une écriture expérimentale marquée par la consommation de substances, notamment l’opium, pour atteindre les « paradis artificiels » et tester les limites de leur inconscient.
A partir de 1925, ces jeunes poètes s’installent à Paris pour poursuivre leurs études. Ils y rencontrent des écrivains et des éditeurs comme Léon-Pierre Quint qui soutiennent la création de leur revue d’avant-garde intitulée Le Grand Jeu, dont trois numéros paraissent entre 1928 et 1930. Les membres fondateurs sont bientôt rejoints par de nombreux collaborateurs comme le poète rémois Pierre Minet, l’écrivain André Rolland de Renéville, le journaliste et peintre Maurice Henry, le photographe Arthur Harfaux et le peintre et graveur tchèque Josef Sima. Les trois numéros de la revue contiennent un riche ensemble de poèmes, de textes en prose, de dessins et de photographies dont certaines sont l’œuvre de l’américain Man Ray, un temps proche de ce mouvement.
Les membres du Grand Jeu se rapprochent du surréalisme et de leurs chefs de file, André Breton et Louis Aragon, tout en souhaitant garder leur identité propre. Cette proximité crée bientôt des tensions entre les partisans d’une écriture plus politique et les défenseurs d’une poésie de l’absolu, avec à leur tête René Daumal. Toutes ces divergences provoquent la fin du Grand Jeu en 1932, avant que le quatrième numéro de la revue n’ait pu être imprimé.
Après la disparition du Grand Jeu, ses membres continuent à écrire et à publier des œuvres poétiques, des romans mais également des essais à dimension religieuse. René Daumal se passionne ainsi pour l’hindouisme et lui consacre de nombreux textes. Malgré de graves problèmes de santé, Roger Gilbert-Lecomte parvient à publier quelques recueils poétiques comme La Vie, l’Amour, la Mort, le Vide et le Vent en 1933 ou Le Miroir noir en 1938 avant son décès prématuré à 36 ans. Roger Vailland s’engage quant à lui dans la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, expérience qui lui inspire le roman Drôle de jeu publié en 1945. Il poursuit ensuite une riche carrière journalistique et littéraire et il obtient le prix Goncourt 1957 avec son roman La Loi.
–Les poètes du Grand jeu, Paris, Gallimard, 2003 : se procurer cet ouvrage
-René Daumal, Le Contre-Ciel (1936) : se procurer cet ouvrage
-René Daumal, La Grande Beuverie (1938) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
-René Daumal, La guerre sainte (1940) : accéder à cet ouvrage dans Gallica
-René Daumal, Le mont Analogue, Roman d’aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques (1952) : se procurer cet ouvrage
-René Daumal, Correspondance, I, 1915-1928 (1992), et Correspondance, II, 1929-1932 (1993) : se procurer cet ouvrage 1 / se procurer cet ouvrage 2
-René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Correspondance 1924-1933 (2015) : se procurer cet ouvrage
-Roger Gilbert-Lecomte, La Vie l’Amour la Mort le Vide et le Vent et autres textes (1933) : se procurer cet ouvrage / accéder à cet ouvrage dans Gallica
-Roger Gilbert-Lecomte, Le Miroir noir (1937) : accéder à cet ouvrage dans Gallica
-Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres complètes, 1, Proses (1974) : se procurer cet ouvrage
-Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres complètes, 2, Poésies (1977) : se procurer cet ouvrage
-Roger Vailland, Drôle de jeu (1945) : se procurer cet ouvrage
-Roger Vailland, Le Surréalisme contre la révolution (1948) : se procurer cet ouvrage
-Roger Vailland, Bon pied bon œil (1950) : se procurer cet ouvrage
-Roger Vailland, La loi (prix Goncourt 1957) : se procurer cet ouvrage
-Pierre Minet, La défaite (1947) : se procurer cet ouvrage
-Pierre Minet, Des âges téméraires, lettres, documents (1989) : consulter des extraits sur Gallica
-Pierre Minet, En mal d’Aurore, Journal 1932-1975 (2001) : se procurer cet ouvrage
La bibliothèque Carnegie conserve une collection complète des trois numéros de la revue Le Grand Jeu, insérée dans une boîte créée par l’artiste Daniel Knoderer, ainsi que des éditions originales des œuvres de René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte et Roger Vailland.
Elle abrite également un vaste fonds d’archives consacré au Grand Jeu, depuis la rencontre des Phrères Simplistes au lycée de garçons de Reims jusqu’aux années 1970, bien après la disparition de ce mouvement. La collection Grand Jeu contient dix-neuf manuscrits parmi lesquels Vertige, un poème composé par Roger Gilbert-Lecomte vers l’âge de quatorze ans, Je regarderai sur ton sceptre d’Artur Harfaüx ou Fils-du-Soleil, un texte écrit et illustré par René Daumal à Noël 1943 d’après l’épisode biblique du Déluge.
La collection contient une riche correspondance composée de 182 lettres : les plus anciennes datent du début des années 1920, dont des cartes postales adressées par Roger Vailland à son professeur de 4ème, Raoul Espiaux, qui reflètent sa passion précoce pour la littérature. La majeure partie des lettres datent de l’aventure du Grand Jeu (1927-1932) et fournissent de précieux renseignements sur le processus créatif de la revue. Elles évoquent la sélection de certains textes par rapport à d’autres, la nécessité de réaliser des coupes dans les textes sélectionnés et le choix des illustrations. D’autres échanges plus tardifs, des années 1940 aux années 1970, retracent le devenir des membres du Grand Jeu et la postérité de leur œuvre après la dissolution du groupe.
Certaines lettres adoptent une forme insolite : un courrier adressé par René Daumal à André Rolland de Renéville se présente comme une cocotte en papier sur laquelle Daumal répète sous 15 formes différentes qu’il attend Renéville pour un rendez-vous au café de Flore. Une autre lettre adressée par Maurice Henry à Pierre Minet s’achève par un portrait aux accents surréalistes d’un homme au visage d’hélice .
Cette collection renferme également un ensemble de photographies datées des années 1920. Ces photographies permettent de découvrir les Phrères simplistes en tant que jeunes poètes dandys dans la Reims d’après-guerre. Elles témoignent de leur étroite amitié et de leur volonté de s’affranchir de la bienséance morale de la bourgeoisie rémoise. D’autres photographies plus tardives les présentent espiègles avec Vera Milanova, la compagne de René Daumal.
Des dessins réalisés par divers membres du Grand Jeu reflètent leur talent polymorphe et leur créativité parfois placée sous le signe de l’humour. Un dessin de Maurice Henry intitulé [Encyclopédie] représente ainsi un homme la tête parmi des livres, alors que L’arrivée du grand crétiniseur, œuvre de René Daumal, livre une critique acerbe de la colonisation. Quelques gravures du peintre tchèque Josef Sima complètent cette approche artistique du Grand Jeu.
La bibliothèque Carnegie enrichit régulièrement l’approche de cette collection par l’acquisition de lettres et manuscrits lors de ventes aux enchères et par l’achat de toutes les éditions de textes du Grand Jeu (éditions originales, rééditions).
-La Bibliothèque littéraire Jacques Doucet conserve un ensemble Véra et René Daumal : https://calames.abes.fr/pub/#details?id=FileId-1773. Il contient des manuscrits, de la correspondance et des archives.
-La Médiathèque Elisabeth et Roger Vailland de Bourg-en-Bresse conserve un fonds Roger Vailland : https://ccfr.bnf.fr/portailccfr/ark:/16871/006FRFONDS-010536201-305. Le fonds regroupe les manuscrits de l’écrivain Roger Vailland, sa bibliothèque personnelle, une collection de photographies et de dessins.
-L’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) conserve un fonds Pierre Minet. Le fonds est essentiellement composé des manuscrits de l’œuvre (notamment théâtrale), de ses mémoires (La Défaite), de son journal, d’éléments biographiques et de correspondances (avec entre autres Léon Pierre-Quint et Richard Weiner). Il comprend également des archives professionnelles, notamment pour la radio de 1949 à 1972, des notes de travail, de la presse et des archives iconographiques. Un ensemble sur Lilian Fisk (sa compagne), Roger Gilbert-Lecomte, Max Jacob et une documentation sur « Les Phrères Simplistes » et Le Grand Jeu complètent le fonds. https://collections.imec-archives.com/archive/egf/n:3
Maison natale de René Daumal à Boulzicourt (Ardennes), qui comporte une plaque commémorative,