Beat Bild, qui latinisa son nom au cours de ses études, est un personnage représentatif de ces savants de la Renaissance, qui vit apparaître la figure de l’intellectuel moderne dans un contexte marqué par l’émergence de la République des lettres. Ces grands esprits, animés par un ardent amour pour le beau latin, surent collecter les textes antiques transmis par les manuscrits médiévaux pour les corriger et les faire à imprimer, ce qui permit de les diffuser et d’en prolonger la conservation.
Né à Sélestat le 22 août 1485, fils unique d’un boucher membre du Magistrat, Rhenanus fréquenta l’école latine de Sélestat dès l’âge de six ans. La Bibliothèque Humaniste conserve son cahier d’écolier des années 1498-1499, qui permet d’appréhender le riche enseignement dispensé au sein de cette école. Tout en étudiant au sein du collège du cardinal Lemoine à Paris de 1503 à 1507, Rhenanus exerça les fonctions de correcteur auprès de l’imprimeur Estienne. Son cahier d’étudiant, qui nous est également parvenu, nous permet d’étudier l’enseignement qu’il reçut à Paris.
Rhenanus avait commencé à se constituer une bibliothèque dès son plus jeune âge. Il possédait 57 volumes avant même ses études à Paris en 1503. Des ouvrages de grammaire et de rhétorique côtoyaient dans cet ensemble des œuvres d’humanistes contemporains. Pendant ses études à Paris, Rhenanus put acquérir près de 188 œuvres, parmi lesquelles figurent des traités d’Aristote, des éditions d’auteurs latins classiques ainsi que des de Pères de l’Eglise. A l’âge de vingt-deux ans, le jeune savant sélestadien possédait déjà 253 livres, soit un bel embryon d’une solide bibliothèque personnelle pour cette époque.
De retour en Alsace à l’automne 1507, Rhenanus prit part à Strasbourg aux projets éditoriaux de l’imprimeur Mathias Schürer et intégra les cercles d’érudits de cette ville. De 1511 à 1513, il approfondit sa connaissance du grec à Bâle auprès du dominicain Jean Cuno et hérita d’une partie de la bibliothèque de cet ancien collaborateur d’Alde Manuce. C’est alors que commença en outre sa collaboration durable avec les imprimeurs Amerbach et Froben.
A la fin de l’automne 1514, Rhenanus rencontra Erasme de Rotterdam à Bâle. Ce fut le début d’une amitié durable, marquée par une complicité intellectuelle certaine, l’alter ego d’Erasme étant chargé de l’édition des œuvres du « Prince des humanistes » sur les presses de Froben. Cette relation devait s’interrompre en 1536 avec la mort d’Erasme, dont Rhenanus fut l’un des exécuteurs testamentaires. Le savant sélestadien fut également l’auteur de la première biographie du défunt et réalisa en 1540 la première édition de ses œuvres complètes en huit gros volumes.
La longue carrière scientifique de Rhenanus lui permit d’acquérir de nombreuses éditions frobéniennes qui forment une des originalités de sa bibliothèque. Outre les éditions auxquelles il collabora comme correcteur et philologue (Tertullien, Eusèbe de Césarée, Sozomène, Sénèque, Quinte-Curce, Velleius Paterculus, Pline l’Ancien, Tite-Live, etc.), il acheta de nombreux livres. Il reçut de nombreuses œuvres qui portent souvent sur la page de titre un ex-dono. Il échangea diverses de ses propres éditions avec celles de ses amis. Les pages de titre des volumes de la collection de Rhenanus portent souvent son ex-libris manuscrit dont la formulation montre à quel point il tenait à sa bibliothèque. En effet, il lui arrivait d’y noter la mention « Sum Beati Rhenani. Nec muto dominum » ; le livre s’exprime ainsi : « J’appartiens à Beatus Rhenanus et je ne change pas de maître ».
Anobli par l’empereur Charles Quint en 1523, il fit décorer plusieurs reliures à l’aide de ses armoiries. Outre ses travaux d’éditions de textes anciens, Rhenanus fut l’auteur d’une œuvre originale qui prit la forme d’une histoire de la Germanie en trois livres (Rerum germanicarum libri tres, Bâle, Froben, 1531), dans laquelle il mit en œuvre une méthode historique en plein renouveau, croisant le témoignage des Anciens avec les apports des découvertes archéologiques et des chartriers médiévaux.
Atteint d’une maladie de la vessie, Rhenanus disparut le 20 juillet 1547, non sans avoir pris le soin de faire savoir son dessein de léguer sa bibliothèque à sa ville natale. Grâce à cette marque de générosité, la B.H. conserve encore la plus grande partie de la collection personnelle de ce savant, soit près de 2 500 titres répartis à travers 670 volumes environ (un même livre peut comporter jusque plus d’une vingtaine d’œuvres différentes). A cet ensemble, il importe d’ajouter la correspondance de ce savant composée de 265 pièces, qui rend compte de son riche réseau de relations au sein de la communauté des savants de son époque.
–Epistolae proverbiales (1508).
–Ludus L. Annaei Senecae (1515).
–De morte Claudii Caesaris (1515).
–De laudibus Calvitii (1515).
–De rebus Alexandri Magni regis Macedonum (1518).
–Sermones platonici (1519).
–Familiarum Colloquiorum formulae (1520).
–Opera Septimii Florentis Tertulliani (1521).
–V.Velleji Paterculi Historiae Romanae II Volumina per Beatum Rhenanum (1522).
–Autores historiae ecclesiasticae (1523).
–Emendationes (1526).
–Rerum Germanicarum libri tres (1531) : accéder à cet ouvrage dans Gallica
La collection personnelle du savant Beatus Rhenanus (1485-1547) constitue un des pans des collections précieuses de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Né à Sélestat le 22 août 1485, Rhenanus fréquente l’école latine de la ville puis poursuit ses études au sein du collège du cardinal Lemoine à Paris de 1503 à 1507. De retour en Alsace, il participe en tant que correcteur et éditeur de textes anciens aux publications des imprimeurs strasbourgeois puis bâlois. Ami proche d’Erasme de Rotterdam, Rhenanus est représentatif de ces savants de la Renaissance, animés par un amour ardent pour le beau latin des humaniores litterae, qui collectent les textes antiques transmis par les manuscrits médiévaux pour les corriger et les faire imprimer. Peu avant sa mort, le 20 juillet 1547, Rhenanus fait savoir qu’il souhaite léguer sa bibliothèque à sa ville natale, soit 33 manuscrits (94 oeuvres), 423 volumes imprimés (1 287 œuvres) et 264 lettres de sa correspondance. Le caractère exceptionnel de cet ensemble documentaire (la plupart des bibliothèques d’humanistes ont été a contrario dispersées) fut reconnu en mai 2011 par son inscription au registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO.
https://bhnumerique.ville-selestat.fr/client/fr_FR/bh
-La bibliothèque humaniste de Sélestat est aussi un musée ouvert au public : https://www.bibliotheque-humaniste.fr/