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Archives littéraires

Qu’est-ce que les archives littéraires

Ecrivains superstars

Les manuscrits littéraires, et plus largement les fonds d’archives d’écrivains, n’ont longtemps occupé qu’une place restreinte dans les bibliothèques publiques, avec des collections restant à dominante historique. Un long processus de reconnaissance du manuscrit littéraire s’ébauche à partir de la fin du siècle des Lumières, en parallèle de la montée en puissance de la figure de l’écrivain, et de la reconnaissance de son statut et de ses droits. L’auteur acquiert progressivement un statut social, juridique et économique. Cette montée en puissance s’accompagne d’une dynamique de sauvegarde et de conservation des manuscrits et archives littéraires en tant qu’objets matériels et intellectuels laissant entrevoir les traces tangibles du geste de création artistique. Au fur et à mesure que le travail des auteurs bénéficie d’une considération nouvelle, et que le manuscrit littéraire se pare d’une dimension mémorielle presque sacrée, d’une dimension symbolique et affective, il devient nécessaire pour les institutions de recueillir, conserver et transmettre ces traces.

Ce processus de patrimonialisation s’incarne en particulier dans le choix de Victor Hugo de léguer la totalité de son œuvre manuscrite et graphique à la Bibliothèque nationale en 1881. Il est le premier écrivain à faire don par voie testamentaire de l’ensemble de ses œuvres à une institution publique. En complément des dons et legs, les institutions de conservation vont mener une politique d’acquisition active d’archives littéraires. Autre jalon dans ce processus, le projet porté par Julien Cain et Paul Valéry en 1937 d’une exposition permettant pour la première fois à un large public d’admirer des manuscrits d’écrivains, prélude à un Musée de la Littérature qui restera à l’état d’ébauche. Cet évènement contribua à institutionnaliser l’engouement public pour l’autographe, et à déplacer le centre de gravité du patrimoine littéraire des œuvres publiées vers les manuscrits et brouillons, rendant visible non plus l’œuvre achevée mais tout le travail intellectuel, le geste créatif singulier et complexe qui a permis de lui donner naissance. « Comment donner à voir le mouvement de l’invention littéraire, et non seulement son résultat sous forme de livre, non l’histoire du livre, mais sa préhistoire, le travail intérieur dont l’ouvrage est le terme ? ». Paul Valéry pose l’intéressante question du « que faire voir ? », comment passer du lisible au visible ? pourquoi et comment valoriser ces documents ?

Du lisible au visible

Les archives littéraires constituent des ensembles singuliers, disparates et relativement peu connus. Elles peuvent recouper plusieurs acceptions matérielles et intellectuelles. Le Code du patrimoine définit les archives comme « un ensemble de documents quels que soient leur date, leur forme, leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ». Le Code de la propriété intellectuelle, lui, qualifie d’œuvres de l’esprit les productions couvertes par le droit d’auteur, que l’on peut assimiler aux créations résultant d’une activité intellectuelle ou artistique, peu importe sa forme d’expression, genre, mérite ou destination, originale et empreinte de la personnalité de son auteur. Il ne s’agit pas de trésors mais des témoins d’une pratique. Dans le champ du littéraire spécifiquement, ce que peut recouvrir le terme d’archives est très vaste : manuscrits, brouillons, notes de recherche, correspondances, coupures de presse, photographies, documents administratifs ou financiers, contrats d’édition, livres dédicacés, objets… Ces documents sont souvent fragiles et les impératifs de conservation rendent impossible leur exposition prolongée. Un brouillon presque illisible est difficile à appréhender pour le visiteur sans un travail de médiation. Scénographier ces documents pour les mettre en valeur peut s’avérer compliqué. Tout cela représente un véritable défi de valorisation auprès du grand public pour rendre ces archives visibles.

National et local

Selon les aléas de l’histoire et de la constitution des collections publiques, ces archives se sont acheminées en partie vers les services d’archives municipales, départementales ou nationales, vers les musées, vers les bibliothèques territoriales, universitaires, de recherche, vers les maisons d’écrivains. Ces dernières ont joué un rôle important dans cet essor patrimonial du littéraire. Certaines ont été fondées dès le XIXe siècle mais elles vont surtout se développer durant les décennies 1980 et 1990, avec un effort de structuration qui mène en 1997 à la création de la Fédération nationale des maisons d’écrivains. L’écriture manuscrite mais aussi les objets ayant appartenu à l’auteur ou la maison dans laquelle il a vécu font parfois figure de reliques pour lesquelles le visiteur se déplace.

L’engouement public pour les expositions littéraires et pour les maisons d’écrivains participe du théâtre de notre mémoire collective culturelle voire même identitaire. Ces établissements se font les témoins de parcours de vie et d’écriture, gardiens de la mémoire des auteurs et de leurs œuvres, passeurs d’histoires individuelles mais aussi d’une histoire collective. De grandes bibliothèques ont particulièrement œuvré à la conservation de ce patrimoine littéraire : la Bibliothèque nationale de France, l’IMEC (Institut mémoires de l’édition contemporaine), la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet… Mais l’enjeu est également présent à différentes échelles du territoire, et de nombreux établissements patrimoniaux se sont investis de manière active dans la conservation de ces archives, souvent en lien avec une dimension locale, mais pas uniquement. Ainsi par exemple malgré l’absence de lien direct entre l’écrivain Louis Dumur et la ville de Reims, sa famille a souhaité faire don de sa bibliothèque et de ses archives professionnelles à la bibliothèque en raison de l’image de ville martyre revêtue par Reims après la Grande Guerre, période qui a concentré une large partie de l’œuvre de l’auteur. Plusieurs bibliothèques portent le nom de l’écrivain dont elles conservent les fonds, ou parfois le nom d’une de leurs œuvres : les médiathèques Verlaine de Metz, Voyelles de Charleville-Mézières, Bernard Dimey de Nogent, Gabriel Maurière de Charmont-sous-Barbuise, Marcel Arland de Langres… preuve d’un attachement fort entre ce patrimoine littéraire et le territoire qui le conserve.

 

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